heads will roll. (brody)

S'il y avait une qualité que l'on pouvait reconnaître à Bonnie, c'était sa constance. Une fois un objectif fixé dans son esprit, il était tout simplement impossible de l'en déloger. Sa constance, donc, celle-là même qui la poussait à s'embourber chaque jour un peu plus dans des plans délirants de vengeance pour prendre sa revanche sur le traître infidèle avec lequel elle pensait pouvoir construire quelque chose de sérieux. Nathaniel Mayer était devenu l'ennemi numéro un, celui qu'elle craignait et désirait voir tout à la fois, ne serait-ce que pour juger de son état de malheur. Mais lui continuait de se pavaner dans la ville comme s'il était le roi du monde, comme s'il était normal de tromper non pas une, mais deux sœurs, des jumelles qui plus est, et d'en plus s'en tirer sans la moindre éclaboussure. Personne ne semblait voir où était le problème, puisqu'il n'était pas honni par toute la communauté de la ville et Bonnie trouvait cela parfaitement insupportable. Alors, depuis le Nouvel An et l'idée brillante que Callie lui avait soufflée (sans nécessairement le faire exprès, certes), un plan germait dans son esprit. Pour prendre sa revanche, rien ne valait l'appui de quelqu'un qui connaissait mieux que personne Nathaniel... son propre frère. Brody Mayer était un parfait inconnu pour Bonnie, mais les choses ne tarderaient pas à changer sitôt qu'elle mettrait son plan en marche. Première étape, se rapprocher de Brody jusqu'à tromper sa confiance. Deuxième étape, séduire Brody et afficher une idylle parfaite aux yeux de la ville. Troisième étape, le monter contre son frère, et l'encourager à faire de même auprès de tout leur entourage jusqu'à ce qu'il devienne persona non grata. Dernière étape, mettre un terme à la mascarade une fois qu'elle aurait ce qu'elle voulait, et savourer le machiavélisme de son projet. C'était un projet d'envergure, elle en avait conscience, et dans le fond elle n'était pas certaine de savoir ce qu'il lui apporterait. Quel impact cela aurait sur quelqu'un qui était foncièrement trop égoïste pour se soucier de ce que les autres pouvaient penser de lui ? Comment le fait de s'afficher avec son frère pourrait atteindre Nate ? Bonnie n'en était pas tout à fait certaine mais, constance oblige, elle ne déviait pas d'un iota de son idée. Et l'occasion se profila finalement, quelques semaines après le Nouvel An, comme si le destin lui envoyait un signe. Brody Mayer avait été porté disparu pendant quelques temps, puis retrouvé... mais la rumeur voulait qu'il soit victime d'une légère amnésie, ce qui arrangeait bien les affaires de la propriétaire du Love Philter Diner. Utiliser à son avantage les problèmes d'un inconnu n'avait rien de bien glorieux, mais il y avait bien longtemps qu'elle avait dépassé ce genre de cas de conscience. Brody lui servait sur un plateau d'argent un motif pour se rapprocher de lui, même si elle n'était pas exactement connue pour son rôle de samaritaine au sein de la ville. Alors Bonnie s'était mise à traquer plus ou moins précisément ses faits et gestes pour avoir une idée de l'endroit où le croiser « par hasard ». Brody n'était pas aussi extraverti que Nate, aussi avait-elle du abandonner l'idée de le croiser dans un bar. Ce qu'elle n'avait pas prévu en revanche, c'est que le destin lui donne un coup de pouce supplémentaire en l'amenant directement à elle, dans son propre Diner. Elle ne pensait pas l'y avoir déjà vu auparavant, mais en vérité, elle ne prêtait pas assez attention à ses clients pour se rappeler de leurs allées et venues. Oh, bien sûr, elle connaissait à peu près les clients les plus fidèles, mais pour le reste... Lorsqu'il franchit la porte du petit restaurant, un large sourire étira ses lèvres carmin. Parfait. Tout était parfait. Elle lui laissa le temps de venir s'asseoir à l'une des tables avant de s'approcher de lui en composant un masque d'inquiétude. « Brody... ? » Elle posa une main sur la sienne. « Je suis tellement contente de te voir ! » qu'elle s'exclama avant de s'asseoir en face de lui (ce qu'elle ne faisait pourtant jamais, car l'activité ne manquait pas). A en juger par son regard perplexe, elle n'évoquait pas grand-chose pour lui, mais cela n'avait pas grande importance. Mieux, cela pourrait même lui servir, après tout la culpabilité était un levier intéressant lorsqu'il pouvait être exploité. « Oh... tu ne te rappelles pas de moi, c'est ça ? Oui, les médecins m'ont prévenue que tu étais victime d'une espèce d'amnésie... » Elle dessina un sourire plein de compassion, ses grands yeux bruns rivés dans les siens. « Je suis Bonnie... Bonnie Cartwright ? On a fait connaissance il y a quelques semaines. » Mensonge éhonté. C'était la première fois qu'elle lui adressait la parole mais cela, il n'était pas censé le savoir. L'amnésie avait certains avantages indéniables. C'était sans doute mal de sa part de profiter de la faiblesse d'un homme mais il était grand temps que l'on arrête de profiter de sa faiblesse à elle, tant pis si cela devait tomber sur quelqu'un qui ne le méritait peut-être pas.