someone to lean on.

Andrew jette un dernier regard à Rose. Il aperçoit la moitié de son visage, sa respiration est apaisée. Elle est belle même quand elle dort, quand elle rêve, quand elle est ailleurs, mais toujours près de lui. Ses traits ne sourient pas, ni ne sont agacés par une quelconque incompréhension, ils sont juste d'un naturel éblouissant. Le storyteller se raccroche à cette image. Sa main s'élève un instant dans les airs, prête à venir se perdre dans ses longs cheveux, avant de retomber contre le matelas. Il gâcherait tout s'il se mettait à vouloir la réveiller, juste pour avoir la chance de cueillir son tout premier sourire de la journée. Ou une mou rageuse d'avoir été réveillée au beau milieu de la nuit ; à voir. Le brun se retourne une nouvelle fois vers le réveil à sa gauche. 3H15. D'habitude, il arrive à dormir sans problème. Ce soir (ou ce matin, tout dépend le point de vue), toutes ses pensées sont pas tiraillées par des centaines de questions auxquelles il veut trouver des réponses. Bonnes, mauvaises, ce sont des interrogations qui persistent et signent : il doit réfléchir à tout ce qui s'est passé ces derniers jours, il faut revenir sur tous ces petits événements qui se sont bousculés dans son existence en trop peu de temps. Repoussant le matelas d'un bras fort, le storyteller se retrouve assis au bord du lit. Il peine à réaliser, que ce soit la date du nouveau jour qui commence, ou bien ce qu'il deviendra dans quelque mois pour Rose, et ce qu'elle deviendra alors pour lui. Ils sont de nouveau ensemble. Et ils vont se marier. Et, à l'intérieur, il est tétanisé. Ainsi qu'heureux. Le brun ne sait plus vraiment comment réagir face tout ce qui se passe, à tout ce qu'il a engendré en demandant la main de Rose le soir de la fête des moissons, mais il veut juste retenir ce cœur qui tambourine dans sa poitrine. Il cogne tellement fort depuis qu'il s'est autorisé à redéposer les yeux sur elle, durant cette soirée qui restera dans les mémoires, qu'Andrew a le sentiment qu'il ne redescendra plus de son petit nuage. Et c'est très bien ainsi. Un sourire aux lèvres, le storyteller se sent d'attaque pour rejoindre sa meilleure amie. Il a besoin de la voir, de lui parler, d'entendre sa voix, son avis, d'avoir son aval aussi. Trop de choses à la fois qui pousse le brun à s'habiller aussi vite qu'il le peut avant de se diriger vers l'entrée de son appartement. Il n'a d'ailleurs pas eu le temps de revenir chercher ses dernières affaires chez Emily, elle le reverra donc bientôt. En plus de cette visite nocturne qu'il engendre. Une fois la main mise sur les clés de l'appartement de sa californienne, qui n'est pas loin du sien, le storyteller s'assure que le sommeil berce toujours Rose en tendant l'oreille, puis initie sa promenade nocturne sous le clair de Lune flamboyant. Une fois arrivé devant la porte du bon habitacle, Andrew fait le moins de bruit possible en enfonçant la clé dans la serrure, puis en la tournant. Il sait que son prétendu « cousin » squatte chez elle, ce qui date même de quand il était encore présent, et il n'a pas envie que ce dernier se sente menacé par un intrus en pleine nuit et cherche à se défendre. Bien qu'Andrew soit le dernier dont on puisse avoir peur, même dans la pénombre ou lorsqu'il débarque par surprise durant votre sommeil. Déposant son double de clé sur le premier meuble à sa disposition, le trentenaire s'avance d'un pas calme vers la chambre d'Emily. Au dernier moment, il se met à espérer qu'elle est seule. Mais il est trop tard pour faire demi-tour : sa main vient de se déposer sur la poignée de la porte et semble s'être tournée d'elle-même. Du coup, le brun jette un coup d'oeil par l'ouverture, jusqu'à constater que la blonde est bien seule chez elle. S'affairant à fermer la porte avec prudence, le storyteller laisse échapper un soupir de soulagement. Il aurait fait un bon agent secret, en fait. Le corps d'Andrew s'écrase sur le matelas, où l'odeur de sa meilleure amie est omniprésente. Une effluve sucrée, qui respire la joie de vivre, un parfum dont le brun ne se lassera jamais. Emily est sa seule famille. Elle est à la fois sa sœur, sa meilleure amie, sa confidente, l'une des personnes les plus précieuses à ses yeux. Elle a même été la seule avant qu'il ne rencontre Rose ; Andrew sait qu'elle ne lui en veut pas d'avoir un peu revu ses priorités. Preuve, qui plus est, que le storyteller ne pourra jamais se passer d'elle, il est encore ici, auprès d'elle. Il cherche à la réveiller, en douceur, par un baiser sur son front, avant que la moitié de son visage ne s'écrase sur le coussin voisin à celui de sa meilleure amie. Il patiente quelques secondes, puis une minute ou deux, dans une attente insupportable tant il lui est impossible de trouver ou retrouver le sommeil, l'appréhension et l'excitation de la nouvelle vie qui l'attend se faisant plus forte que tout le reste. Andrew doit en parler. Il a besoin de livrer tout ce qu'il a sur le cœur, de parler de tous ces sujets qui le tracassent un peu, de plus en plus, à cœur ouvert, à la seule personne qui peut tout comprendre. « Emily ? », qu'il souffle doucement. Le visage du brun s'avance face à celui de sa meilleure amie, juste pour déceler le moindre signe annonciateur de son réveil imminent. Il a l'impression d'être revenu quinze ans en arrière, alors qu'ils n'étaient que des deux ados pas très ordinaires, et qu'ils s'imaginaient une vie pleine de magie et de futurs souvenirs mémorables. Ils pouvaient rester des heures à se regarder, se parler, rigoler, bercés par une complicité tissée dès le premier regard échangé. Même si, cette nuit, la blonde ne s'est pas encore éveillée à l'appel de sa moitié, cela ne saurait tarder, Andrew le sait. Il n'ose pas la secouer, il sait qu'elle n'apprécierait pas. Mieux vaut privilégier la méthode douce, celle dont il est le maître et la seule qu'il connaisse véritablement. D'une main tendre, le brun vient accrocher ses doigts à ceux d'Emily, dans l'espoir que ce contact aidera sa californienne à revenir sur terre. « Emily, réveille-toi... » On sent dans la voix du storyteller qu'il a besoin de dire beaucoup. Il a besoin de vider son sac maintenant et sa meilleure amie n'a pas le droit de le faire attendre. Frustré, Andrew relâche la main d'Emily pour venir déposer sa tête remplie de boucles sur la couverture, où en-dessous se trouve le ventre de sa meilleure amie. Peut-être que s'il l'empêche de retrouver le souffle, elle daignera enfin arrêter de jouer au remake de la Belle au bois dormant. Seulement, la moindre réaction tarde et le sourire qui s'installe sur les lèvres du storyteller, au souvenir de la fête des moissons, l'oblige à délier lèvres et pensées pour inonder le quotidien paisible de sa meilleure amie. « Emily, je vais me marier. » Est-ce que c'est une question ? Est-ce une affirmation ? Andrew n'en est pas vraiment certain, il ressent juste le besoin qu'on lui confirme enfin, en dehors de son peut-être rêve qu'incarne Rose Denver, qu'il n'a pas imaginé ce qu'il a fait. Dans son esprit, cet instant coupé du monde est si beau qu'il a peur d'avoir tout idéalisé, jusqu'à inventer un futur auprès de celle qui possédera sans doute son cœur à jamais. Le sourire de la shérif caresse de son adorable douceur le cœur d'un Andrew redevenu familier de l'euphorie des premiers instants aux côtés de la femme de sa vie. C'est vrai qu'on dirait un adolescent qui songe à sa première petite-amie, celle qui comptera malgré les épreuves de la vie jusqu'au bout. Et, pour Andrew, Rose est cette fille. Celle qui a réussi à capturer son cœur de ses petites mains rassurantes, de cette bonté et de cette présence précieuse, celle qui a chassé toutes ses idées noires peu à peu pour venir les remplacer par un bonheur infini. Bonheur infini qui a retrouvé mieux qu'un second souffle lorsqu'elle a répondu « oui » il y a à peine quelques jours. « Emily, je vais me marier avec Rose. Tu crois que c'est de la folie ? Tu vas m'aider ? Tu vas m'aider à faire de ce jour le plus beau de sa vie ? Emily, je compte sur toi, il va falloir que tu me soutiennes. J'y connais rien en mariage. Qui demande en mariage Rose Denver alors qu'il n'y connaît rien du tout ? » Andrew Peters. Le seul, l'unique. L'homme qui est fait pour vivre jusqu'à la fin à ses côtés. L'homme qui est prêt à tout pour ne plus jamais la savoir triste, celui qui se veut son prince charmant et même le père de ses enfants. Le storyteller a-t-il le droit d'espérer jouer tous ces rôles dans l'existence de la shérif ? Peut-être pas, mais c'est plus fort que lui. Il a envie de se convaincre qu'une vie pleine d'amour et de sourires vient enfin frapper à sa porte et il n'est pas décidé à délaisser cette idée de si tôt. Le storyteller aimerait bien que ce soit Emily qui lui confirme tout ça, mais il devine qu'il en demande à une telle heure. Alors, au lieu d'attendre une réponse qui ne viendra peut-être pas, le storyteller reprend ce soudain costume du bavard, l'installe sur ses épaules agitées et sur son coeur nerveux, pour permettre à ce même palpitant de se libérer du poids immense que représente ce trop-plein de bonheur. « Emily, j'ai peur qu'elle se souvienne de son mariage avec Aladdin. Que les souvenirs remontent sans qu'on y soit préparés... C'est possible ? C'est déjà arrivé ? », qu'il questionne en jetant un regard dans sa direction. Après tout, c'est elle qui s'est montrée la plus investie dans leur travail de storyteller, ces derniers temps. De fait, elle est la plus apte à connaître ce genre de détails. Intérieurement, le brun sert les doigts pour que ce ne soit pas le cas. Sa meilleure amie doit lui confirmer que ce cauchemar qu'il décrit en des mots bien trop simples n'arrivera pas. En aucun cas. « Emily, je flippe et en même temps j'ai le cœur qui bat comme un dingue depuis l'autre soir. » Son bras vient s'écraser sur la taille d'Emily, un peu plus bas, dans un dernier espoir de la voir enfin ouvrir les yeux. Ou juste marmonner un truc. Andrew s'en contentera, il le promet. « T'es réveillée ? »

Contrairement à ce que le monde entier semblait penser, oui, il arrivait à Emily de dormir. Longtemps. Comme un loir. A l'instar de toute bonne it-girl californienne, elle se couchait lorsque le soleil pointait le bout de son nez et se relevait, fraîche et pimpante, avant qu'il ne fût au zénith. Si la vie à Fairview ne possédait pas la même frénésie, son rythme lui, demeurait le même : le soir, elle sortait à l'Insomnia ou au Rabbit Hole encourager son tendre cousin et lorsqu'elle restait sagement chez elle, c'était pour mieux se plonger dans les notes de ses ancêtres ou dans les carnets de ceux d'Andrew. En bref, le sommeil d'Emily lui était sacré au moins autant que le sucre ou les escarpins Jimmy Choo et lorsqu'elle sentit une silhouette s'écraser sur son lit... loin de s'en inquiéter, elle décida de l'ignorer. C'était un réflexe idiot, typique des gens ensommeillés, à l'esprit tout sauf vif. D'ailleurs, la belle maugréa un peu dans un langage inintelligible propre à ceux qui qui dorment profondément et refusent de se réveiller. Car elle rêvait et malgré le grabuge de son bichon, Emily voulait terminer son songe et s'y raccrochait de toute sa force de mouche. La raison ? Tous les hommes (et femmes) ayant eu le toupet de ne pas tomber amoureux d'elle, pas assez, pas assez longtemps se tenaient sagement en file indienne de son indécent palais façon Casse-noisettes. Ils attendaient leur tour pour mettre un genou à terre dans une attitude à la fois digne et humble, s'excuser d'une voix vibrante et lui déclamer de la plus belle des façons leurs sentiments. Certains se révélaient poétiques et touchants, d'autres torrides jusqu'à la faire secrètement frétiller et Emily, dans sa grande mansuétude, acceptait tout leur amour. A tous. Elle songeait d'ailleurs à organiser par décret une orgie royale lorsque la voix de son bichon vint lui titiller les oreilles. Quelque chose s'enraya dans son rêve. Noah s'exprima avec la voix d'Andrew pour lui dire qu'il allait se marier, ce qui ne manqua pas de la faire fulminer. Euh, à quoi jouait-il ? Avait-il lu ne serait-ce que la première ligne du script de son rêve ou bien ? Pourquoi fallait-il toujours qu'il gâche tout ?! Par sa faute, Emily prenait douloureusement conscience que cette scène surréaliste n'était que le reflet d'un subconscient à la fois bien amoché et un brin narcissique et cela ne lui plaisait pas du tout. Elle le congédia alors, dans une vaine tentative de reprendre le contrôle de ses songes mais le mal était fait et sur son visage, ses adorables paupières papillonnaient déjà, signe d'un réveil imminent. Un poids sur son estomac l'empêchait de respirer convenablement et c'est ce qui acheva de la réveiller tout à fait. Elle tenta de rouler en boule sur le côté pour préserver ses organes d'une telle compression mais abandonna bien vite l'idée devant la détermination dudit poids. Andrew. Elle entendit le son ronronnant de sa voix et sans ouvrir les yeux, un sourire se dessina sur sa bouille de môme alors que ses doigts vinrent naturellement glisser dans ses bouclettes préférées. Sans bouger pour lui papouiller le crâne, ils restèrent là comme si elle dormait profondément et que ce geste se révélait tout bonnement instinctif. Et lorsqu'il s'agissait d'Andrew, Emily possédait un sixième sens sur-développé. Elle l'écouta jusqu'au bout, les yeux clos, à la fois terriblement attendrie par ses aveux et pressée de balayer tous ses doutes. Ils étaient justes, bien sûr, ils avançaient à l'aveugle sans savoir ce que leur présence ou leurs décisions bousculaient mais ils faisaient de leur mieux, de ça elle était persuadée. Et ce qu'elle savait aussi, c'est qu'Andrew méritait son bonheur même si pour cela il fallait priver Aladdin du sien. « Humhum » grogna-t-elle péniblement pour seule réponse avant de... miracle... battre des paupières. Emily mit quelques longues secondes à visualiser Andrew dans la pénombre de la pièce mais lorsque ce fut fait, elle se releva sur ses coudes pour lui adresser un sourire où perlait encore le sommeil. « T'as conscience qu'il est Coup d'oeil appuyé en direction du radio-réveil. Quatre heures du mat et que je faisais un rêve super ? » Son sourire s'élargit de plus belle et elle s'étira bruyamment sans étouffer un bâillement sonore, plus éloquent que tous les mots. Emily n'était pas du matin et sans être grognon (ce n'était définitivement pas dans son caractère), il lui fallait de bonnes minutes pour émerger. Voire quelques cafés. « Mais j'ai tout entendu, c'est beau ce que tu disais mon bichon. » Secouant ses jambes pour le chasser gentiment, Emily attendit qu'Andrew se relève pour fondre entre ses bras, comme un chaton câlin et un peu pataud, gorgé de sommeil. « Je suis si heureuse pour toi ! » souffla-t-elle en refermant ses mains autour de sa nuque. Elle enfouit son visage fripon contre la douceur de son cou et resta de longues secondes ainsi, tout contre lui sans que cela ne soit déplacé ou gênant. Ils se connaissaient par coeur, depuis toujours, et Andrew était à ses yeux bien plus qu'un ami ou qu'un frère, il était toute sa vie et lorsqu'il éprouvait du bonheur, elle le ressentait elle aussi. Au centuple. Emily sentait battre le coeur de son bichon jusque contre sa propre poitrine (certes, plus ou moins écrasée contre son torse) et elle partageait tout des sentiments qui l'animaient, de l'amour pour Rose qu'elle considérait déjà comme sa famille à l'impatience qui battait dans ses propres veines. Leur étreinte s'éternisa jusqu'à ce qu'Emily retrouve ses esprits et laisse son côté obsédée du contrôle reprendre le dessus. Doucement, avec une précaution qu'elle n'affichait qu'avec Andrew comme si ses gestes désordonnés et trop enjoués risquaient de le briser, la californienne rompit le genre de câlin qui lui mettait toujours du baume au coeur pour rassurer son bichon préféré. Elle se laissa tomber à nouveau sur le lit, cette fois bien éveillée et serra la main d'Andrew entre la sienne, sans la quitter un seul instant. Son pouce caressait gentiment sa paume, titillant plus que de raison cet annulaire qui porterait bientôt le symbole de son amour. Malgré qu'elle prétextait le contraire, Emily rêvassait souvent à son mariage. Elle s'imaginait bien au-dessus de ça, incapable d'aimer quelqu'un pour la vie mais en réalité, elle était nettement moins cool qu'elle se le figurait. Si elle ne jugeait pas, jamais, et que certaines de ses pratiques sexuelles auraient fait rougir des actrices porno sans qu'elle ne réalise leur indécence, Emily se révélait parfois terriblement traditionnelle. Comme toute petite fille privilégiée, princesse des collines de Los Angeles aux parents déviants, elle rêvait à l'exact contraire, la banalité toute simple de l'amour toujours qui tardait à venir. « C'est pour quand ? Tu crois que j'aurai le temps de me trouver un mari à temps pour la cérémonie ? » le questionna-t-elle de son timbre enjoué et trop rauque pour être sérieux. Elle plaisantait et c'est des yeux rieurs qu'elle posa sur le visage tout doux de son meilleur ami. Enfants, ils s'étaient promis de se marier ensemble. Pas ensemble-ensemble, déjà très jeunes leur lien leur paraissait bien au-dessus de tout même de ces banalités là qui lient tous les hommes, mais ensemble comme dans en même temps. Et vivre dans des maisons immenses et voisines sur les collines de Los Angeles, partir en vacances ensemble, devenir respectivement parrain et marraine de leurs enfants et... la liste de leurs rêves de gamins se révélait immensément longue et malheureusement, aucun ne résistait aux cruelles désillusions de l'âge adulte. Heureusement, Emily ne s'en formalisait pas. Andrew était heureux et elle aussi, l'était, car son bonheur était intimement lié au sien. Elle se contenta de le regarder, de longues secondes, avant que les mots ne s'écoulent d'eux-mêmes, véridiques, terriblement sincères. « Je suis tellement fière de toi Andrew. Tu es devenu exactement l'homme que tu rêvas d'être, enfant. Rose a beaucoup de chance, aucun prince charmant ne t'arrivera jamais à la cheville. Aucun. » insista-t-elle de sa jolie voix chantante en papouillant la petite peau fine de l'intérieur de son poignet. « BON. Ce mariage ! » Son ton ne faisait aucun doute : la machine était en route. Et Emily savait être d'une efficacité redoutable, volubile mais concentrée, créative et douée pour les détails à la fois. Elle ne le réalisait pas, trop occupée à sauver des personnages de contes de fées qui ne lui rendrait jamais un centième de l'affection qu'elle leur portait mais la californienne était faite pour l'événementiel. C'était le monde au sein duquel elle baignait depuis l'enfance, elle créait les dernières tendances, connaissait intimement les créateurs à la mode ou les photographes les plus réputés et possédait assez d'énergie pour écraser n'importe quel obstacle. « Bien sûr que je vais t'aider, c'est mon rôle. Enfin, non, mon vrai rôle ce sera témoin et j'espère que t'y avais pensé de toi-même sinon tout est fini entre nous Andrew Peters. Mais pour le reste, je serai ravie de te faciliter la tâche autant que possible, tu sais que je suis une déesse de l'organisation entre autres menus talents... Regard mutin, appuyé. Tu crois que Rose me laisserait vous aider ? Vous en avez déjà parlé ensemble ? Vous voyez quoi ? ATTENDS, tu sais ce que je vois ? » Emily laissa planer un silence éloquent alors que dans sa tête bien faite se dessinait déjà le mariage rêvé. Pas le sien, bien entendu, mais celui qu'elle imaginait pour eux et leurs personnalités plus douces et moins tapageuses que la sienne. C'est certain, elle ne reproduirait pas l'épisode yacht ! Bien que cette soirée fut à tout point de vue une réussite (si l'on omettait un certain naufrage et une certaine incompétence du capitaine), elle ne correspondait nullement à son bichon et n'avait été que le résultat de son propre emballement. « Vous vous êtes rencontrés en Californie... vous êtes tombés amoureux en Californie... ce serait pas hyperchouette, symboliquement parlant, de vous marier en Californie ?! Pas à Los Angeles, bien sûr, c'est trop bling-bling et ça ne vous irait pas mais je sais pas, un mariage sur la plage avec une décoration canon mais pas tape à l'oeil et un endroit superbe comme cette jolie crique à Laguna Beach ou mieux encore, tu sais la plage à Big Sur qui est juste sublime... Celle avec un phare, pour le buffet, ce serait pas trop génial ?!! Je sais, je sais, blablabla les personnages de contes peuvent pas quitter Fairview et tout ça mais Rose le peut elle et puis je suis sûre que Carter pourrait faire un effort si on le prévient assez tôt, genre un tour de magie ou je sais pas, c'est son rôle, non ? Attends bichon, tu veux que je te montre mon tableau Pinterest ? » Et sans attendre sa réponse, Emily se pencha méthodiquement pour farfouiller sous son lit à la recherche non pas d'un sex-toy mais de son précieux iPad. Elle revint, triomphante, et fit défiler des photos toutes plus jolies les unes que les autres. Des pièces montées marines, des bouquets de fleurs où se cachaient quelques jolis coraux, une étoile de mer pour porter les alliances, des bougies coulées dans des coquillages, des lâchers de lanternes au soleil couchant sur la plage et toutes ces jolies photos qu'elle collectionnait pour l'inspiration, comme ça, sans réelle raison si ce n'est se faie du mal. « Et tu vois, on pourrait mettre une jolie barque bien typique comme ça parmi les objets du photobooth, là ce serait le bar à bonbons et vous pourriez même dormir en haut du phare on vous ferait un cocon cosy parfaits pour une nuit de noces avec une vue à couper le souffle et pour les invités on pourrait louer une belle maison en bord de mer, un peu dans ce style-là et puis- » Emily se tut et releva un regard étincelant d'excitation, où brillait néanmoins une lueur un brin penaude. « Enfin, c'est qu'une idée quoi. » Elle haussa les épaules, comme une petite fille prise sur le fait d'une gigantesque bêtise, consciente de sa frimousse attendrissante. Emily détestait l'idée de s'imposer à leur place mais elle ne parvenait jamais à refréner son trop-plein de créativité, toutes les idées qui fusaient à la seconde, alimentées par son envie de bien faire, de faire plaisir, d'aider. C'était maladif, chez elle. « Ce sera le plus beau jour de ta vie, j'ai envie qu'il soit parfait. » se justifia-t-elle dans un sourire tendre, en glissant un index caressant le long de la joue rebondie d'Andrew. « Et pour cela, je propose qu'Ethan soit blacklisté. Eden aussi, cela va sans dire. Le mieux serait de les enfermer dans la cellule du commissariat mais j'imagine que ça sera compliqué alors il faudrait conserver la destination secrète jusqu'au dernier moment, comme pour les mariages de stars. Ou... les bloquer tous les deux dans un ascenseur, tu crois qu'il y a assez d'oxygène pour disons, survivre 48h ? Enfin on y réfléchira plus tard mais Rose ne se souviendra certainement pas de son mariage avec Aladdin, enfin j'en sais rien, mais si les souvenirs remontaient à la surface aussi aisément ça se saurait, non ? Il ne faut pas que tu t'inquiètes pour ça mon bichon. Rose est la femme de ta vie, personne ne peut lutter contre ça. » Emily hocha la tête comme pour lui ancrer ses propos, convaincue de ce qu'elle avançait. Et virevoltant aisément d'un sujet à l'autre, son visage tout entier s'illumina alors qu'elle venait de mettre le doigt sur plusieurs éléments indispensables. « Des idées de photographes ? Je pensais demander à mon copain Tyler Shields mais ses photos sont peut-être un peu trop... provocantes pour un mariage, j'sais pas s'il sera capable de se tenir. Y a bien Mario Testino ou Patrick Demarchelier qui feraient quelque chose de sublime mais je pense qu'ils sont intouchables avec un délai restreint et... OH. JE SAIS. ANNIE. ANNIE LEIBOVITZ. T'en dirais quoi ? Elle ferait des merveilles j'en suis sûre et elle a photographié mon papa des tas et des tas de fois pour Vanity Fair et Vogue, ils sont intimes. Et non, je ne veux pas savoir s'ils sont intimes-intimes, mais elle sera forcément d'accord !! » Emily ferma un instant la bouche pour respirer, bien qu'elle fut loin d'avoir terminé. Elle souhaitait évoquer son futur cadeau de mariage afin de s'assurer qu'Andrew et Rose ne prévoient rien pour leur lune de miel. Elle possédait une fortune inestimable qui coulait à flots tant que Papa jouait dans des blockbusters minables en continuant d'affoler les nanas et fourmillait de milliers d'idées. Elle voulait que ce moment hors du temps soit absolument parfait, ce qui était grandement facilité par la capacité de Rose à ne pas être cantonnée à Fairview. Mais elle n'en fit rien, craintive à l'idée d'assommer son bichon bien-aimé sous un fardeau d'informations.

Andrew cesse enfin d'envahir l'espace avec ses doutes et ses inquiétudes. Il fait une pause, le temps de reprendre ses esprits, car possédant un corps peu habitué à être aussi enthousiaste, presque enfantin dans ses réflexions et ses espoirs pour la suite, tout en gardant le regard rivé en direction du visage d'Emily. Il sent un premier mouvement s'initier sous sa masse qu'il a écrasée sur elle, avant qu'elle ne le gratifie d'une petite réponse. C'est un bon début, un très bon début même. Il ne repartira pas bredouille car vaincu par le sommeil réparateur de sa pile électrique de meilleure amie. Un sourire béat s'affiche sur ses lèvres, même si invisible dans la pénombre, lorsque la jeune femme se redresse dans son lit, l'air endormi, et jette un coup d'oeil à son réveil. Andrew en profite pour faire de même, réalise la folie qui l'a pris de venir jusqu'ici maintenant, mais n'arrive pas à regretter son geste. Il ne faut pas qu'elle s'occupe de son radio-réveil et de l'heure qui y est affichée, ça ne sert strictement à rien sinon se faire du mal ou commencer à se demander combien d'heures de sommeil il va encore lui falloir rattraper, cette fois-ci par sa faute. Toutefois, sa Emily câline reprend bien vite le dessus et le storyteller la laisse s'éveiller sans plus un bruit, alors que ses bras viennent encercler son cou. Il laisse une main venir s'échouer dans son dos dans la manœuvre, alors qu'il sent déjà les effets bénéfiques de la présence de la blonde à ses côtés influer sur son être. Il n'a plus l'envie de dire tout ce qui lui passe par la tête, malgré le fait qu'il ne réalise toujours pas ce qui va se passer entre lui et Rose, ni même ne sent son palpitant battre à tout rompre à l'intérieur de sa cage thoracique. Il reprend sa place initiale dans le duo inébranlable qu'ils forment, cette amitié entière, inégalable, qui se révèle être même plus que cela si on y réfléchit bien : il n'y a même pas de mots pour expliquer ce lien entre lui et sa jolie Californienne, c'est juste évident. Pas besoin de plus, et surtout pas besoin de moins. Une fois qu'Emily s'est éloignée pour reprendre place sur son lit, le regard rivé en direction du plafond comme Andrew le fait depuis quelques minutes maintenant, seulement rattachée à lui par leurs mains jointes, les questions fusent. Andrew n'est pas certain d'avoir encore bien toutes les cartes en main mais il promet d'essayer de faire de son mieux, au moins pour rendre hommage à Rose qui a évoqué plusieurs fois le sujet avec lui depuis la fête des moissons. Après tout, la nouvelle est encore si récente. « En été, Rose veut du soleil. » Lui aussi, d'ailleurs. Il sait que Rose pique la vedette à tous les astres depuis qu'elle est dans sa vie, qu'elle continuera à le faire – de façon encore plus exacerbée même – le jour de leur mariage, mais il comprend qu'elle ait envie de retenir de ce jour merveilleux des instants ensoleillés, des sourires bonheur et en dégager des centaines de photographies lumineuses et d'une beauté sans pareille. Emily coupe le brun dans ses rêvasseries lorsqu'elle lui accorde un regard plus appuyé. Il accueille ses propos avec fierté, heureux de pouvoir entendre ça de sa bouche. Elle est la seule personne qui lui reste, son unique famille. Son attache la plus ancienne et sa principale constante, celle qui a fait passé, présent et fera futur jusqu'à la fin, si on ne compte pas Rose, qu'il connaît tout de même depuis moins de temps qu'Emily. Si elle est fière de lui alors c'est qu'il est sur la bonne voie. Andrew doute du fait que s'il passait ce cap du mariage avec Eden dans peu de temps, la vision des choses chez la blonde serait légèrement différente... Le storyteller n'a pas les mots pour faire comprendre à sa meilleure amie que son aveu le rempli de joie, seule la main vient presser la sienne avec affection pour signifier sa gratitude plus qu'immense. La menace suivante arrache un rire franc à Andrew, avant que ce dernier ne se sent obligé de secouer la tête de gauche à droite, puis de droite à gauche. Elle peut avoir de ces idées parfois. « Il n'y a que toi que je veux comme témoin. » Il ne veut qu'elle, ne voit qu'elle et n'a pensé qu'à elle. En théorie, le marié a des hommes derrière lui, prêt à tout pour faire perdurer et chérir son mariage, lui aura Emily et elle vaut tous les autres témoins du monde – mise à part Ally du point de vue de Rose, cela va de soi. Même dans l'obscurité, Andrew continue de suivre les cheminements d'Emily concernant le mariage : il acquiesce au fait que sa future femme acceptera son aide pour les préparatifs, même si le dernier événement organisé par ses soins pour son anniversaire ne leur a pas laissé un très bon souvenir, avant de l'écouter dessiner l'idéal d'un mariage en Californie. Le storyteller donnerait tellement pour pouvoir faire cette surprise à Rose. Le seul endroit sur cette planète où ils pourraient peut-être être seuls, en paix, isolés de Fairview, et surtout d'Eden, puisque cette dernière vit maintenant ici depuis un petit bout de temps. Un rêve qui semble pourtant si inaccessible aux yeux d'Andrew...« Euh, oui, oui, vas-y, montre », qu'il répond en se relevant sur le lit. On pourrait penser que le jeune homme est déjà perdu, après l'écoute de toutes ces propositions qu'a réussi à faire Emily presque sans respirer (au moins), avec sa légère mine renfrognée et son regard sérieux, mais en fait il se concentre au maximum dès qu'on lui parle du mariage. L'instant fatidique n'est pas encore arrivé mais il s'y intéresse bien plus qu'on ne pourrait le penser. Il n'est juste pas très doué pour organiser les grandes réceptions, juste pour faire les propositions – le reste, il le laisse aux bons soins de Rose, Emily ou Ally, des presque-professionnelles de l'organisation d'événements du type, quand il se compare à elles. « J'espère que t'as raison. » Son murmure prouve qu'il va encore falloir le convaincre. Tant que la bague qu'il aura choisi pour Rose n'ornera pas son doigt, Andrew aura peur de la voir lui échapper, comme cela a été le cas ces derniers mois. Il appréhendera aussi de découvrir Ethan faire irruption dans sa vie de façon inattendue, car considérant que Carter ou même l'enchantement en lui-même continue peut-être d'influer sur le destin des habitants de Fairview. Le trentenaire croise les doigts et espère, espère et espère encore qu'une telle chose n'arrivera pas. « Je crois que pour tout ça il va falloir que tu gères avec Rose et Ally. J'y connais pas grand chose moi, alors si tu veux je peux faire semblant de comprendre de qui tu me parles, mais je vois pas trop l'intérêt... » C'est vrai, après tout, Andrew ne peut pas mettre de visages sur tous ces noms de photographes que sa meilleure amie vient de citer, et il est incapable de lui mentir. Lui adressant un sourire doux, il vient déposer un baiser sur le haut de son front, avant de se laisser retomber en arrière sur le lit. « Se marier en Californie... », qu'il souffle d'un air rêveur. « Ce serait génial... » Allongé de la sorte, l'air songeur, déjà présent mentalement sur la plage de son mariage, faisant face à une Rose encore plus sublime que d'ordinaire, Andrew ressemble à un simple adolescence. Il retombe dans les tourments bienfaiteurs des rêves d'enfants, où les promesses se mélangeaient aux ambitions démesurées. Sauf qu'à présent, le brun réfléchit plus au fait de pouvoir emmener Rose en Californie ainsi que leurs invités sans que Carter, le propriétaire de la Cave of Wonders, ne pipe mot, plutôt que d'imaginer quelle voiture il voudrait plus tard ou quel cinéma célèbre des États-Unis il s'achèterait pour lui seul une fois qu'il aurait assez d'argent. « Sauf que les amis de Rose sont tous là, je crois, et je vois mal Carter accepter qu'un tiers de la ville déguerpisse d'un coup. Surtout que je l'imagine déjà ne pas tolérer ce mariage de base, alors nous aider... », qu'il rigole, comme si ce léger détail n'avait pas d'importance. Pourtant, le fait que l'ancien Merlin ne valide pas cette union n'est pas un facteur malchance : il s'agit juste d'un élément crucial, sachant que ce dernier doit essayer de ne pas influencer la vie des personnages qu'il a fait venir jusqu'ici, sans pour autant les laisser faire n'importe quoi. Jasmine, devenue Rose dans ce monde, qui se marie à un humain qui n'est pas de GoldenDust ne rentre donc pas dans ses louanges, loin de là. « A moins que ça le rende plus aimable si on lui fait la surprise de faire disparaître juste les invités du mariage pour quelques jours », qu'Andrew évoque l'idée à voix haute, avant de se concentrer sur Emily. Il caresse ses traits mutins d'un regard bienveillant, bien qu'un brin de malice s'y devine tout au fond, histoire d'agrémenter le tout, et surtout le sujet qu'il va mettre sur le tapis. « Tu sais que t'es obligée de venir accompagnée, pas vrai ? A qui tu vas proposer dis-moi ? » Andrew a le droit de savoir. Il est le marié, de un, et de deux, elle est tenue de l'informer de tout ce qui se passe dans son existence, comme lui le fait en retour. C'est un pacte, un accord inaliénable, qui se base depuis toujours sur cette confiance sans borne qu'ils ont l'un pour l'autre. « Promis je dirai à Rose de jeter le bouquet dans ta direction le moment venu : ce qui pourra être pris pour un signe du destin. Et qui dit « signe du destin » dit vaut mieux que tu choisisses bien ton cavalier, il faut que ce soit le bon, comme ça vous irez de suite devant l'hôtel et notre rêve se réalisera. » Andrew plonge son regard dans celui de sa meilleure amie. « Je me suis jamais imaginé vivre ça sans toi. »