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 sous la pluie de notre ville (charlie).

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Ksenia Nowakowski

Ksenia Nowakowski

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MessageSujet: sous la pluie de notre ville (charlie).   sous la pluie de notre ville (charlie). EmptyMer 17 Juin - 20:03

(charlie/ksenia)

TOUT LE MONDE SE FOUT DE LA POÉSIE
Des solitaires à l'âme sensible
Qui font des rimes et se promènent
Au clair de lune au bord de la Seine
Tout le monde se fout, tout le monde se fout de la poésie
(Oh tout le monde s'en fout)

Ksenia, elle est belle et c’est le genre de fille à qui on a envie de mettre des fleurs dans les cheveux. Mais dans les cascades d’or liquide qui dégoulinent sur ses épaules personne n’est jamais venu jeter le moindre pétale, personne n’y a rien jeté que des sentiments en plastique pour une nuit un midi une journée ou une semaine. Jamais une vie. Adrian pourrait pourtant. Aurait pu.
Mais pour y jeter des tas de choses étoilées faudrait d’abord aimer, savoir le faire aussi, et si lui sait ouvrir son cœur et déverser des cascades de sentiments en fleurs il sait surtout les cracher sur et vers d’autres palpitants (un seul) emprisonnés au creu d’autres mains, d’autres bras qui ne le serrent même pas. Ksenia de son côté contemple tout ça sans un mot et ses cheveux sa peau le creux de ses bras à elle demeurent vides, de gens (d’Adrian) et d’amour. Avant, le désert n’était qu’à l’intérieur et c’est sans hésiter qu’elle a quitté la marée humaine qui déferlait toujours entre ses draps. Mais aujourd’hui qu’elle est seule, Ksenia s’ennuie, de vivre à moitié et même de ne plus voir son corps tant désiré. Alors pour tromper le quotidien pour tromper le rien parfois elle s’enfuit de son existence monochrome et entre deux caresses sous ses baisers de minuscules bourgeons d’amour (physique) éclosent à mesure que son cœur gonfle au creux de sa poitrine étroite d’enfin se (re)sentir « aimée ». C’est au travers des hommes qu’au fond elle a appris à exister et c’est sans doute comme ça qu’elle finira.
C’est plus fort qu’elle.
Pourtant l’amour les sentiments les amis les choses comme ça ce ne sont pas des trucs qui lui manquent parce qu’elle s’est construite seule et sans, et qu’elle n’en a jamais eu besoin. Souvent elle a singé ces émotions qui animent l’intérieur des gens vivants mais jamais, jamais (encore) elle n’en a ressenti vraiment. Toutes ces choses ne sont pour elle qu’une étendue d’eaux troubles et trop troubles pour elle, surtout. Alors du haut de son trône doré aux quatre pieds cassés elle contemple la surface de son océan glacé autour de son cœur, elle la couvre de caresse sans jamais y toucher, elle observe, apprend des erreurs des gens mais jamais, jamais ne ressent rien de ce qui les fait vibrer, eux.
Les vivants.
Avant le spectacle de la rue aujourd’hui le théâtre grandeur humeur Fairview où chaque jour se joue la même pièce éternellement, éternellement… dieu ce que c’est chiant.
Ksenia ça ne l’intéresse pas tout ça, elle l’effleure à peine et ça lui glisse sur le corps et le cœur sans la transpercer comme ça semble arriver à certains, parfois, ce genre d’écorchés vifs qui se consument d’amour de douleurs de peurs.
Ksenia le truc c’est qu’elle a le cœur en bandoulière mais pas à la manière des autres, son cœur à elle c’est un poids mort et elle ne l’a jamais vraiment compris parce qu’on ne lui a jamais appris. Et ce soir sous les rayons de la lune ronde elle marche seule et sans but sans doute, elle n’en a jamais vraiment eu de toute façon, au fond. Son but à elle c’était (sur)vivre. C’est tout.
C’est tout.
Ses talons claquent sur le bitume nimbé de la lumière nacrée qui se mélange à celle artificielle des lampadaires et dans son grand manteau de nuit elle ondule, et à chacun de ses pas c’est une projection d’ombre sur la marée de lumière stellaire qui bave sur le macadam. Elle est belle, Ksenia. Ce soir comme tous les soirs.
Elle est belle c’est vrai mais elle n’a personne pour lui dire alors dans les yeux des hommes et dans leurs râles elle recherche les soupirs et les mots qu’on ne lui souffle pas. Qu’on ne lui souffle plus.
Lui a-t-on seulement déjà soufflé une fois, avec sincérité ? Elle ne sait pas. Ne se pose pas la question parce qu’être désirée ça lui suffit.
Pour le moment.
Mais elle ne sait pas encore même si elle devine le changement et ça lui fait peur, ça lui fait peur de parfois penser à plus que des je t’aime Ksenia maintenant abandonne toi. Ksenia n’a jamais su que faire ça, offrir son corps au plus offrant sans jamais rien demander sinon que de l’argent. Les sentiments (des autres) toujours pris comme un encombrement, pas vrai, hein, Ksenia ? Un encombrement à exploiter pour en tirer de nouvelles faveurs mais aujourd’hui des faveurs elle n’en demande même plus. Elle n’a plus besoin. L’argent elle l’a sans se faire toucher alors elle se fait toucher pour du vent.
Ça lui va. Et ça ne lui va pas. De toute façon il n’y a jamais rien qui va. Et puis tout qui a toujours été.
C’est chiant d’être toi, Ksenia. C’est chiant mais c’est comme ça, et ça, ça lui va.
Enfin bon.
Dans les rues désertes elle danse presque immobile, les jambes comme seul moteur de son corps fil de fer, balance les hanches pour un public absent et sur ses épaules, le long de son dos, roulent les gouttes de la pluie platine de ses cheveux. Dans les rues il n’y a personne d’autre qu’elle à cette heure de la nuit et seul le bruit de ses talons vient couvrir les symphonies du silence de la nuit qui étouffe les mélodies avec ses étoffes de soies bleues ou plutôt noires. Il n’y a pas d’étoiles ce soir.
Dans ses yeux non plus plus rien ne brille (faut dire qu’aussi rien n’y a jamais luis).
La solitude s’enroule s’enfile autour de ses jambes trop fines et elle ne sait même pas vraiment où elle va. Il y a des choses qui lui échappent, parfois.
Souvent. Souvent ?
Elle oublie l’instant.
Et l’instant d’après elle descend lentement la pente et les feuilles bientôt lui caressent les mollets comme des millions de mains, de doigts, c’est la terre qui très doucement, tout doucement effleure sa peau nue… elle se laisse faire. Elle ne vient pas souvent ici. Les autres âmes non plus, à cette heure de la nuit.
Les rayons de la lune ricochent sur les eaux immobiles du lac. Certains s’y noient.
Puis tandis qu’elle s’approche de la rive foulant sans y toucher les herbes sous ses pieds son regard d’acier se heurte à un corps mort sur le côté, assis-affaissé sur un banc. Il est un peu en avant, ne l’a pas entendue encore, le dos tourné et les yeux sans doute plongés dans les étendues d’eaux du lac à ses pieds.
Peut-être qu’il dort, aussi.
Le ciel tout entier se déverse en rayons lunaires dans ses cheveux, ses épaules, le côté droit de sa mâchoire qu’elle aperçoit et toutes ces choses qui font du visage de Charlie le sien, qui fond de Charlie ce qu’il est, tous ces milliards de traits qui dessinent les contours de son enveloppe de corps. Elle pince les lèvres tandis qu’au fond de son ventre quelque chose se réveille.
Seulement quoi, elle ne sait pas.
Et le problème est là, Charlie de plus en plus réveille des choses à l’intérieur de son corps mort, parfois son cœur, d’autre son esprit, le fond de son estomac, des trucs comme ça. Avant… avant il n’y avait pas de ça. Pas d’étincelles de vie, pas d’étincelles Charlie.
Elle ne comprend pas, ne connait pas, peut-être même qu’elle ne réalise pas, Ksenia. Qu’elle ne réalise pas qu’à l’intérieur y a quelque chose qui gronde. Ronronne, soupire, respire. Quelque chose de nouveau.
Elle ne réalise pas autant qu’elle se perd lentement, dans ses pensées dans toutes ces choses qui font qu’elle est ce qu’elle est alors elle oublie, oublie, nie, ignore, tout ce qu’on veut mais pas d’inquiétude, non, non, non, l’inquiétude c’est pas fait pour toi, pas vrai Ksenia. L’inquiétude elle n’en veut pas et ne voit pas pourquoi elle devrait être là.
Alors elle ignore ce cœur qui bat, parfois, ignore les oiseaux de malheur qui parfois volent au-dessus de ses pensées toutes bien rangées dans leur très grand dérangement. Elle s’avance vers lui.
Il y a un jeu, aussi, le jeu Charlie. Charlie-pour-tromper-l’ennui. Charlie comme marionnette, Charlie comme ci, Charlie comme ça. Elle jouait très bien, avant, Ksenia. Aujourd’hui il lui arrive de trébucher et de se tromper (de stratégie, de mouvement, de mensonge ou de vérité). Elle fait semblant de rien, resserre les mains autour des pions et surtout de son pion à lui.
Elle se tient droite derrière lui maintenant, les mains posées sur le dos du banc et le regard au loin, pas sur lui (surtout ?), plutôt sur l’horizon ou les eaux immobiles, sur des trucs comme ça. Il y a au bord de ses lèvres des mots qui se bousculent mais du bout de sa langue aucun n’ose se jeter alors elle se tait. Il connait.
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Charlie Lane
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MessageSujet: Re: sous la pluie de notre ville (charlie).   sous la pluie de notre ville (charlie). EmptyDim 19 Juil - 18:47

C'est la nuit qu'ils se réveillent toujours. Les monstres, les démons, les fantômes, toutes ces ombres qui vivent en lui et le dévorent silencieusement de l'intérieur ne sortent que lorsque le soleil est couché depuis longtemps. Ils se tapissent patiemment en lui, grignotent des petits morceaux de lui l'air de rien, discrètement, et se mettent à grouiller, à mordre, à hurler sous les étoiles. Et ça fait un mal de chien, c’est une putain de torture, un supplice, un malaise contenu que rien ni personne ne peut faire taire. Charlie a tout essayé pour retrouver le sommeil et un semblant de quiétude mais y a rien qui fonctionne. Les drogues jusqu’à s’en exploser le cœur ne sont qu’un placebo. Le speed, la coke, l’ecstasy et toutes ces merdes lui offrent un répit bienvenu mais quand il touche terre, c’est pire encore parce que la phase descendante donne toujours envie de se tirer une balle. C’est pas la même chose pour tout le monde, qu’il imagine, mais suffit d’être un déchet, de pas pouvoir vivre avec soi-même pour que la descente vous donne envie de vous bousiller la cervelle en la faisant péter. Alors quand il sent les mauvais souvenirs vibrer sous sa peau, Charlie évite. Il évite la came qui l’appelle comme le chant des sirènes parce qu’il sait que ce sera pire, après. C’est supportable parfois et quand ça l’est pas, il s’assomme avec des mauvais somnifères qui tueraient un cheval. Mais souvent, ça l’est pas, parce qu’il est devenu dépendant. A la merde qu’il consomme, à sa misère, à la douleur, à celle des autres, à trop de choses à son goût. Charlie, le gosse épris de liberté qui tombait que pour les nanas comme lui est enchaîné. Enchaîné à l’acide, à sa triste vie, à son passé qu’il traîne comme un boulet, à ses putains d’erreurs. Il est cloué au sol comme un oiseau sans ailes et il a beau rouler trop vite dans sa bagnole minable, s’envoyer en l’air comme si c’était la dernière, ça ne change rien à ce constat : il est toujours en taule, Charlie. Il ne paye plus sa dette à la société, il paye une dette à lui-même et contrairement au système, il ne peut pas la régler parce qu’il ne se fera aucun cadeau, il se laissera trimer jusqu’à la fin sans aucun espoir de rédemption. La rédemption, il ne la mérite pas, faut pas déconner, y a rien qui peut racheter une vie, même une vie qui vaut pas grand-chose, qui a l’air minable et pas franchement précieuse. Y a plus que l’oubli pour le sauver de la tragédie burlesque, grotesque, de sa vie. L’oubli sans drogue, sans cacheton d’aucune sorte, un oubli qui doit le faire tenir jusqu’à ce que le jour se lève et qu’il crève de sommeil pour se traîner dans un lit et y pioncer en décalé quand tout le monde se lève. Il a ses méthodes, Charlie. La plupart sont inefficaces, mais ce sont des reliques de sa vie d’avant alors il les extrait de leur état de fossile. C’est comme ça qu’il se retrouve au bord du lac désert, son vieil appareil photo en main. Il ne sait pas ce qu’il cherche mais ce qu’il sait, c’est qu’il ne le trouvera pas. Il ne se sent pas mieux, son cœur n’est pas moins lourd, ses gestes moins fébriles. Il crève d’envie d’un shot, il entend toujours la voix doucereuse à l’intérieur de son crâne lui rappeler toutes les raisons pour lesquelles il devrait clamser. Il serre l’appareil entre ses doigts jusqu’à blanchir ses jointures, il le serre de rage, d’impuissance, de désespoir, de lassitude aussi. Il en a marre, d’être comme il est, de courir après celui qu’il fut sans jamais réussir à le rattraper parce qu’il s’est évanoui, Charlie. Il s’est fait la malle pour de bon, celui qui aimait à en perdre la raison, celui qui tombait aux pieds de filles de joie et livrait son âme et son cœur juste pour le plaisir de les voir rouler des yeux. Il s’est barré, celui qui vibrait, qui vivait si fort, qui dévorait des bouquins, déclamait des poèmes et citait des philosophes sans raillerie. Les mots, tous ces mots sont encore là, quelque part, mais ils sont plus que cendres, des petits bouts de rien qui ne veulent plus rien dire. C’est perdu d’avance mais il essaye encore un peu, ce soir. Il en a marre, Charlie, d’être qu’un con, y a des soirs où il a pas envie d’aller casser des gueules et baiser des nanas sans désir, comme il aurait jamais imaginé faire l’amour un jour, brutal et mécanique. Y a des soirs où il lutte même si c’est sans espoir. Alors dans le creux de la nuit, dans la fraîcheur argentée du ciel, il s’accroche. Il se penche en avant à la recherche d’un éclat, d’un reflet, d’un signe et il presse le viseur contre son œil de petit prince déchu, qui reste digne et limpide même aux instants les plus troubles. Il cherche. Un petit rien qui aurait du sens pour son esprit détraqué, un infime détail, un truc. Parce qu’il ne peut pas avoir perdu ça, aussi, l’œil ça trompe pas, il n’est pas soudainement devenu aveugle. Alors il guette, il scrute, il retient son souffle, le suspend dans l’air estival mais y a rien qui le percute. Par défaut, il se penche pour capter les reflets de la lune dans le lac, mais c’est un putain de cliché. Il joue avec les réglages, zoome à fond pour n’avoir qu’un minuscule morceau du puzzle et multiplie les clichés inutiles, les brins d’herbe et les flaques d’eau baignées de lune. Ça n’a aucun charme, zéro poésie, c’est pas ce qu’il recherche pour s’arracher à lui-même. Ce qu’il recherche est sur le point d’arriver, il ne le sait pas encore c’est tout. Y a un bruissement caractéristique qui ne ment pas, des brins d’herbe qui chatouillent ses chevilles alors qu’elle le rejoint mais tout ça se joue dans son dos et Charlie n’en est pas conscient. Il la devine sur le tard, quand elle se tient derrière lui et qu’il sent son souffle léger flirter avec sa nuque, encore plus doux qu’une brise d’été. Ksenia est un roseau. Légère, fragile, évaporée et pourtant elle a cette force insoupçonnée, inégalée, qui fait qu’elle ploie toujours, tout le temps, trop facilement, devant tous les cons qui croisent sa route, mais elle cassera jamais. Jamais, ça semble incroyablement long mais Charlie en est convaincu, Ksenia, elle est trop en contrôle pour ça, c’est une comédienne qui le reste même quand le rideau tombe et que les autres arrêtent de jouer, elle est tout le monde et personne à la fois, juste une ombre qui danse et disparaît quand on ferme les paupières. C’est sa faiblesse mais c’est surtout sa force et ça lui plaît, à Charlie. Ksenia n’apparaît que lorsqu’il l’appelle silencieusement, inconsciemment même et jusqu’à présent, ça n’a jamais manqué. Elle est là alors qu’il est seul et à deux doigts de se jeter dans ce lac en espérant que ses eaux troubles gagneront ses poumons et il prend ça comme un signe. Elle ne parle pas, il en fait de même. Il a l’habitude maintenant, de lui parler sans gaspiller des mots qui ne la rejoignent que rarement et ne l’atteignent jamais. Et il commence aussi à la comprendre dans ses silences, dans sa prestance de glace et d’os parce que Ksenia était tout ce qui lui plaisait avant de se transformer en jolie poupée docile qui pue l’opulence et hurle la détresse silencieuse des puissants misérables. Ceux qui comprennent douloureusement que l’argent ne fait pas des miracles. Elle est là, silencieuse dans son dos et Charlie attrape son poignet pour l’attirer à lui. Il se tourne pour la dévisager sans un mot et la guide, il la guide jusqu’à la faire grimper sur ses genoux face à lui. Charlie pourrait la baiser, comme ça, sans autre forme de procès, elle dirait pas non c’est déjà écrit dans ses yeux délavés qui semblent le fixer sans le voir. Ce serait pas la première fois, pas la dernière sans doute, Ksenia est le genre de nana devant qui il aurait pu tomber, citer Keats et l’entendre ricaner, se moquer du pauvre petit bourge à la recherche du grand frisson, le gosse trop jeune pour se cacher sous les jupes de ces filles de rien. Elle lui aurait échappé un temps, mais elle se serait lassée de sa persévérance et finalement, elle l’aurait laissé lui faire l’amour comme on autorise un môme à faire une connerie, juste pour qu’il arrête de réclamer, de demander, d’emmerder son monde. Il l’aurait aimée, pour un jour, pour toujours, il en sait rien Charlie. Ce qu’il sait, c’est qu’il l’aurait eue dans la peau, qu’elle l’aurait enivré dans un passé qui lui semble révolu et ça lui fait mal au cœur, ce gâchis. Ils sont tombés l’un sur l’autre au mauvais moment, c’est la bonne rencontre mais le timing est foireux, Charlie n’arrive pas à voir autre chose que ce qu’elle est devenue, une grande dame qui n’en a pas le panache et lui n’a plus cet amour précieux et débordant, il s’est écoulé et la fuite est encore là, impossible à colmater. Mais tant pis, il la regarde quand même, il boit ses traits pour y retrouver ce qu’il cherche tant et ça vient un peu. Ksenia ne peut pas faire autant illusion, dans les ombres dansantes de la nuit. Elle ressemble plus au passé qu’il chérit sans l’avoir connu, moins à une madame Goodhart sous sédatifs. La lune se mêle à ses cheveux, à sa peau, et elle se révèle irréelle, quelque part entre la femme et la nymphe. C’est là qu’il la prend en photo. Une fois, deux fois, dix fois. Charlie a l’impression de retrouver quelque chose de beau, de rare, alors il la mitraille. Il vole des petits bouts de Ksenia, des morceaux de lune et de lac, de blond et de blanc aux reflets argent, il capture l’éclat de ses prunelles et la courbe des cils, la moue ravageuse de ses lèvres et ses pommettes saillantes, ciselées. Il recherche la grâce de sa clavicule, le sauvage de son visage qui s’accommode mal au clinquant du collier hors de prix qui l’emprisonne. Qui l’empoisonne. «  Je t’aime mieux comme ça. » lâche-t-il de sa voix profonde comme si ça coulait de source, comme si ça ne sortait pas de nulle part, comme connerie lancée au vent. Elle n’est pas différente, elle est toujours Ksenia, c’est lui qui la perçoit d’un œil neuf sous l’obscurité chatoyante, c’est lui qui arrive un peu à oublier ce soir, à se raccrocher à lui-même, à retrouver un peu de poésie, même si c’est qu’un instant qui ne dure pas. C’est sa vision qui est biaisée mais Charlie ne le voit pas, il croit qu’elle est différente ce soir, qu’elle est plus belle, plus émouvante, qu’elle s’est extirpée de son carcan trop étroit qui la dévore. Il ne dit pas tout ça avec des mots superflus, il le dévoile dans l’intensité avec laquelle il la bouffe des yeux comme s’il la voyait pour la première fois. Et encore généralement, les premières fois le laissent de marbre, maintenant.
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Ksenia Nowakowski

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MessageSujet: Re: sous la pluie de notre ville (charlie).   sous la pluie de notre ville (charlie). EmptySam 8 Aoû - 10:41

La première fois que Ksenia a vu Charlie c’était dans un bar.
Dans un bar et il était tard, ils étaient seuls avec les habitués seulement qui restaient sans rester, les cœurs noyés dans de l’alcool. C’était au début.
C’était au début et déjà elle s’ennuyait, alors parfois la nuit elle jouait à ce jeu de mettre sur ses lèvres du carmin et de s’enrouler dans des étoffes de sang, très près du corps et tellement près parfois qu’on aurait dit comme une deuxième peau, une carapace ou aune armure, de soie, de tissus, de choses molles et douces comme ça mais solides quand il le fallait ; et avec elle il le fallait. Solide seulement comme son cœur, ou du moins la coquille qui l’entoure, celle-là même dans laquelle depuis le début de sa vie (ou presque) il s’est lové pour ne plus jamais en sortir. Peut-être aussi qu’elle ne le laisse pas faire.
La muraille de tissus n’est resté solide qu’un temps et quand il a fallu qu’il la déchire, il a pu le faire sans soucis. Mais ça n’est arrivé que plus tard (trop vite, cependant, pas pour eux, mais sans doute pour le reste du monde).
Ce soir là où elle l’a vu pour la première fois, elle avait sans doute le même rouge sur les lèvres et sur les seins, les fesses, les reins, et c’est presque tout son corps qui disparaissait derrière la barrière de sang solide-liquide de la longue robe rouge qu’elle portait. Il était tard, elle était seule au bar et elle fumait.
Lui, il était seul aussi, elle croit, seul et il l’avait vu entrer, il la regardait et elle pouvait presque sentir chacune de ses courbes s’enflammer sous ses iris enflammés et éteints, comme les siens. Parce qu’ils sont pareil, pas seulement dans leurs yeux mais dans leur être tout simplement : deux grands brasiers éteints. Ils sont pareils et n’ont rien en commun à la fois, parce que si Charlie un jour a été un humain-incendie, si Charlie un jour a été le Charlier brasier qu’elle devine seulement, Ksenia elle n’a jamais été que la Ksenia éteinte au feu-de-cœur mort-né. Ca ne la dérange pas. Ca ne le dérange pas (sans doute).
Elle se souvient que c’est lui le premier qui est venu lui parler, pas le premier soir peut-être, ou peut-être que si, c’était le premier ou le deuxième. Après, très vite, ils ont fait l’amour. Si on peut appeler ça l’amour.
Parce que Charlie, c’est vrai, il ne fait pas l’amour, il ne fait plus l’amour, il fait quelque chose qu’il est le seul à faire ou le seul à faire comme ça, c’est un sacré spectacle à vivre, et c’est en s’offrant qu’il offre son désespoir de tout : de vivre, d’aimer et de ne plus le faire (de ne plus le faire surtout), de moisir ici, de moisir de l’intérieur, de faire moisir ce qu’il touche et toutes ces choses qui font qu’il se consume de gris. Ksenia non plus ne fait pas l’amour et cette nuit-là ne l’a pas fait non plus : elle s’est offerte, à lui, comme à un autre, pour passer le temps, pour changer le temps, pour se retrouver en se perdant. Mais ce qui a changé des autres hommes c’est l’après, parce qu’après cette première nuit, ils ont continué de parler. Ils se sont revu, ont refait leur drôle de sorte de chose qu’on ne peut pas appeler amour, ont reparlé, parfois peut-être se sont-ils même vu sans baiser (puisque c’est comme ça qu’on dit). Aujourd’hui encore ils se voient et parfois même, ils ne couchent pas ensembles. Ksenia ne sait pas dire si c’est « souvent » ou pas. Elle ne sait rien dire du tout quand il s’agit de Charlie.
Et ce soir-là, elle se tient droite et derrière lui, pas comme le premier soir, le premier soir c’est lui, qui était dans son dos et qui faisait rouler ses yeux le long de ses cheveux, de ses reins, c’est lui qui s’est approché comme elle l’a fait ce soir, lui qui lui a parlé. Cette nuit encore, c’est lui qui parlera le premier. Ksenia ne s’annonce pas. Lui non plus n’a pas annoncé la suite, au commencement, et la suite elle a voulu l’écrire, sans lui, d’abord, puis en acceptant d’y glisser quelques morceaux, souvenirs, et autres choses comme ça. Aujourd’hui l’histoire continue parfois sans elle, sans lui, sans eux et avec en même temps, mais elle finit toujours par  reprendre leur histoire en main et elle fait semblant de rien. Elle sait très bien faire ça, semblant. Elle sait très bien faire ça et ne sait faire que ça.
Savait, plutôt, parce qu’aujourd’hui et ça lui fait peur (presque, ou quelque chose comme ça) il est des semblants qui s’habillent d’un peu trop de vérité, comme son cœur qui quelque part au fond de sa poitrine s’anime quand elle pose les mains sur le banc, derrière Charlie, à côté de Charlie, à deux centimètres de Charlie, très près de Charlie, trop près de Charlie. Ca ne lui ressemble pas, ça. En même temps rien ne leur ressemble, à Ksenia et à son cœur, rien ne leur ressemble et ils ne se ressemblent qu’à eux même, c’est-à-dire, qu’à du rien, du vide, du noir et du gris, des cendres et des souvenirs violemment poussiéreux. Ce qui leur ressemble et ce qui fait de Ksenia ce qu’elle est, c’est justement tous ces riens, et surtout les vides de cœur, ceux qui font que c’est son esprit qui contrôle tout et ne cherche même pas à le faire, ceux qui font aussi qu’en elle il y a quelque chose qui a été laissé de côté (les sentiments et tout ça). Les psychologues et les gens comme ça diront et disaient que c’était normal, que c’était l’absence, de ses parents d’abord puis d’amour, de stabilité, de tout. Mais l’absence elle ne l’a pas connu puisque rien de tout ça ne lui a jamais manqué, elle s’est construit toute seule dans la solitude et la solitude l’a construite. Et elle s’est faite absente elle-même. Absente d’un monde et trop présente, elle le traverse et elle le vit, lui aussi la vit, ils se vivent l’un l’autre, le monde et Ksenia, ils se traversent sans s’accrocher, et ça ne coïncide pas. Il n’y a pas grand-chose pour coïncider avec elle, de toute façon.
Et à la fois, tout pourrait coïncider.
Parce qu’elle est comme ça, imprévisible tout comme elle devait être imprévue, au tout début, au commencement de la vie et de sa vie, imprévisible et incomprise, pas ce genre de génies, savants, artistes qu’on oublie faute de les comprendre, eux et leur(s) œuvre(s), mais incomprise parce que comment comprendre Ksenia ? comment l’appréhender, plutôt ? Ksenia ne s’appréhende pas, ne se comprend pas, on pourrait dire qu’elle se découvre mais c’est faux car ce qu’on découvre de Ksenia, c’est tout ce qu’elle veut bien montrer. Et elle ne montre pas grand-chose, tout en montrant tout à la fois, parce qu’en ne laissant qu’entrevoir du mensonge et du vide, c’est le plus profond d’elle-même qu’elle montre : un très grand gouffre de gris. Ils sont peu, ici, à y plonger encore plus profondément, parfois, dans ce gouffre très grand. Charlie fait partie, sans doute, de ce «  peu » là.
Elle regarde le lac comme on regarde la mer,  les rayons de lune s’y noient toujours et le ciel comme son voile de nuit fondent-noir-liquide dans les eaux troubles et sombres comme eux, grâce ou à cause d’eux. Les quelques morceaux de lumières qui flottent encore à la surface seuls suffisent à illuminer la scène pourtant, et à lui donner assez d’éclat pour ne pas le rendre inquiétant. Ça doit dépendre des gens. Pour elle comme pour Charlie, il n’y a rien qui puisse faire peur dans ce genre de spectacle là, et pour lui sans doute, elle s’en doute, ça peut même avoir de l’attrait, dans les lignes courbes et droites qui ondulent sous le vent, dans la beauté (pour les photos) et dans la mort (toujours la mort). Charlie sans doute aime les deux, ce soir, la photo (d’où son appareil), comme la mort, parce qu’il l’aime la mort, elle le devine elle le sait, il l’aime autant qu’il la hait et ça n’y fait rien il ne peut rien y faire, elle est partout la mort, partout autour et en lui parce que Charlie comme elle se crève et crève de l’intérieur, tout seul. Seulement il en a peur aussi, sans doute, de la photo comme de la mort, et elle voit maintenant dans l’appareil échoué près de lui tout ce qui lui échappe et tout ce à quoi il tente d’échapper : son passé, lui. Il tourne en rond à une vitesse folle et il s’essouffle, sans doute qu’il s’en aperçoit parfois, peut-être qu’il ralenti, qu’il marche et s’arrête presque, mais toujours il repart, toujours plus vite, se fuyant et courant après lui.
Maintenant il attrape son poignet, elle tourne autour du banc, tourne autour de lui jusqu’à se retrouver devant lui, (at)tirée par lui, et quand il la place sur ses genoux, face à lui, un soubresaut (du cœur, le sien). Un soubresaut seulement, ce n’est rien, mais ça suffit. Elle le réprime et elle l’oubli.
Elle ne dit rien, toujours, il ne dit rien non plus, juste il la regarde et elle soutient ce regard, le détaille lui aussi, et quand ses yeux (à lui) perdent le contact des siens pour se perdre dans ses traits, elle se perd à son tour dans les siens, siens qu’elle connait si bien qu’on pourrait dire par cœur, si bien de les avoir parcouru, du doigt, des lèvres, des yeux même, parfois. Le silence seul autour d’eux rythme la scène de sa mélodie effrénée où seuls sont autorisés les bruits de leurs respirations emmêlées et mal assemblées, brisées seulement par les clapotis du lac. Les créatures de la nuit se taisent, eux y compris, et la clameur vibrante de leur ville morte s’est éteinte dans les bruissements des feuilles (très doux, le bruit) bercées par le vent. Il n’y a qu’eux, le lac et le silence.
Et puis quelque part, il y a la lune, la lune et le ciel, et si ses rayons se noyaient dans les eaux troubles du lac, dans les eaux sombres des yeux de Charlie, ils se réfléchissent, s’y coulent, avec la robe noire de la nuit. Et dans ses traits ils dégoulinent, c’est du platine liquide et dieu que c’est joli. Tous les traits, les plis, du visage de Charlie, tous ses cheveux, tous les éléments de son visage se font labyrinthe de chair et l’astre y laisse des bouts de lumière blafarde comme autant de souvenirs, et les oublis. Le visage comme le corps de Charlie sont nimbés de lumière autant qu’à l’intérieur de lui la lumière est éteinte. Ceux de Ksenia aussi.
Alors ils se tiennent là, noyés sous l’or blanc liquide qui se déverse du flanc de l’astre d’argent, et ils brillent autant qu’ils peuvent de leur lumière éteinte. Ils sont deux astres-vies incapables d’éclairer autour d’eux, ou d’illuminer plus loin qu’eux. Surtout Ksenia. Charlie, lui, l’a surement déjà fait, illuminer les autres et s’illuminer lui. Peut-être qu’un jour, il recommencera. Peut-être même que parfois, c’est ce qu’il fait déjà (mais suffisamment rarement pour que ça échappe à la plupart des gens).
Soudain il la mitraille et elle ne dit toujours rien, se laisse faire sans ciller, le regarde seulement et seulement lui, se laisse emprisonner dans le boîtier comme un souvenir qu’on ne veut pas oublier, une œuvre d’art, et ce genre de choses qu’on appelle belle et dont on s’approprie la beauté en les coinçant dans des boîtiers. Mais elle, calme, se laisse faire sans ciller.
Elle est calme et elle ne bouge pas, n’a pas bougé d’ailleurs depuis qu’il l’a fait asseoir sur ses genoux, simplement elle le toise avec toute la froideur et l’indifférence tranquille qu’on lui a donné. Indifférence intéressée quand même, un peu, ce soir comme les autres soirs, plus qu’hier moins que demain, ou l’inverse, elle ne sait pas, en sait de moins en moins. Simplement elle le regarde la regarder à travers l’objectif, et la photographier.
Il l’emprisonne à l’intérieur des pellicules de mémoire, ou plutôt ce qu’il emprisonne c’est l’image d’elle ce soir, parce que demain, elle le sait, ils le savent, rien ne sera comme maintenant. Et tout sera pareil. Tout est toujours pareil.
C’est sa faute à elle parce qu’elle fait tout pour que rien ne change, surtout pas elle et surtout pas son cœur, il ne faut pas qu’il se réveille le cœur, lui qui depuis si longtemps est endormi. Il ne faut pas qu’il s’éveille et il ne le fera pas, et Ksenia avec Charlie continue de jouer à ce jeu qu’elle a toute seule établi, Ksenia joue avec lui et sans lui. Parfois elle oublie les règles, trébuche, mais toujours elle se relève et écarte les émotions qui s’attardent dans les plis de sa robe rouge, comme le premier soir ; elle ne l’a jamais quittée. Elle les époussète comme des saletés (ce qu’elles sont), et les émotions-sentiments-avortés tombent en morceaux à ses pieds pour mieux s’accrocher, s’emmêler dans sa traîne et se reconstruire de travers plus tard.
Ce soir, elle se laisse emprisonner, elle et le lac, la nuit, le reste et le rien, demain il aura oublié ou n’en voudra plus, des photos, d’elle, du lac, de tout et d’eux. Aucun d’eux n’en a jamais voulu.
Et pourtant ils sont là, ils sont toujours là, l’un dans l’autre, l’un sur l’autre, ils se touchent et ne se touchent pas, elle se plait à se dire qu’il lui appartient (du moins qu’elle a les cartes en main et que dans ce jeu où il ignore se trouver, les règles ne sont que les siennes) et qu’elle, ne lui appartiendra jamais, comme elle n’a jamais appartenu et ne le fera jamais à personne. Et pourtant c’est bien des morceaux-doubles d’elle-même qu’elle laisse emprisonner dans l’appareil sans les retenir. Ksenia ne le sait pas mais lentement, elle se laisse appartenir, par petits bouts, tous petits bouts, mais bouts quand même. Elle se laisse appartenir, toucher, pour mieux se rétracter. Le tout est de savoir le faire avant qu’il soit trop tard. Elle ne sait pas encore qu’il est bientôt trop tard. Bientôt Charlie pourra commencer à se l’approprier toute entière. Mais pour l’heure elle est comme elle est, indifférente et son calme sous les flash sont l’illustration du calme qui règle à l’intérieur, un calme très agité-éteint mais un calme du cœur surtout, pour l’heure. L’heure dure toujours, s’arrête parfois quand un battement de travers lui échappe mais elle reprend le contrôle (elle reprend toujours le contrôle) et l’heure reprend son cours comme sa vie, loin d’ici, quelque part entre un salon, un lit un canapé, dans la maison de « monsieur et madame » Goodhart. Loin de Charlie il est plus facile d’oublier Charlie.
Loin de Charlie il est plus facile d’éteindre Charlie.
Pour l’heure pour le moment elle y parvient encore assez bien quand elle est avec lui, même quand elle est sur lui ou qu’il est en elle. Seuls, comme tout à l’heure, quelques battements de cœurs lui échappent avant qu’elle ne puisse les tuer.
- Je t’aime mieux comme ça.
La voix de Charlie est si profonde que les mots semblent remonter du plus profond de son être sans fond, et ils roulent, hors de ses lèvres et restent suspendus là dans l’attente que quelqu’un, elle, s’en saisisse, alors elle le fait, elle les cueille à la bordure de ses dents, ils pèsent lourds les mots, parce que ce sont les siens et parce qu’ils veulent tout dire et ne veulent rien dire. C’est surtout lorsqu’ils ne disent rien qu’ils disent tout, parce que c’est ce qu’ils sont, eux deux : rien.
Elle cueille les mots et les accueille toujours aussi calme, consumée et rallumée immédiatement, inlassablement, par le regard de Charlie qui la dévore et grâce à son regard incendie elle en devient presque un aussi. Se laissant faire toujours elle le regarde encore, elle n’a pas arrêté, et toujours elle s’applique à maquiller ses traits du vide d’émotions qui s’agite à l’intérieur. Elle le regarde avec dédain, défis, mépris, elle le regarde froidement, l’air hautain, provocateur, enflammé, éteint, elle voudrait le regarder encore des heures sans parler mais déjà elle se lasse sans se lasser et bien que ne sachant que répondre elle appelle du fond de son cœur et de son esprits des mots pour lui faire écho.
- Comme ça ? qu’elle souffle, et ça ne veut rien dire, comme ce qu’il disait lui, ça ne voulait rien dire.
En même temps ou presque elle s’anime enfin un peu plus et fait glisser sa main dans ses cheveux qu’elle ramène dans son dos, en même temps que sur l’autre épaule achève de glisser la bretelle de sa robe, libérant sa peau déjà presque affranchie, et la courbe d’un morceau de sein, ses seins-mandarines que l’on devine, nus, sous le tissu. Elle n’a rien fait pour.
Sa main cogne contre les perles de son collier qui s’agitent faiblement sur sa gorge emprisonnée. Elle laisse ses doigts en suspens là.
- Ou me préfères-tu me seulement à travers ton appareil, figée et tienne ?
La violente inconscience des mots est telle qu’elle laisse retomber son bras, effleure sa jambe, à lui, dans la chute. Elle dit tienne mais ne le pense pas, parce que Ksenia n’est la « tienne » de personne, Ksenia n’appartient qu’à elle-même et surtout en cet instant, surtout en ces instants, où elle sent que quelque chose se passe, quelque chose de différent, et c’est dans ces instants qu’elle se réapproprie en échappant à l’autre. Elle a beau s’animer parfois pour lui, elle continue pour le moment de se soustraire à lui, de le fuir et de se fuir en même temps. Alors elle dit ça comme on dit la pluie, elle dit ça et comme le reste ça ne veut rien dire, c’est de la comédie, elle ne fait que ça, Ksenia, elle ne joue que là-dedans, Ksenia, dans la comédie. Jamais comique, toujours dramatique ou pathétique, elle décide ou non d’y glisser des accents de rire, d’ironie, de colère, elle y glisse aussi l’espoir, dans ses mensonges, pour les autres. Elle raconte ce qui lui plait.
Et ce soir il lui plait de se prétendre à lui, il lui plait de lui faire croire qu’elle est sienne bien qu’il n’y croit pas, comment y croire. Elle se plait à mentir maintenant qu’elle le peut encore.
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Charlie Lane
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MessageSujet: Re: sous la pluie de notre ville (charlie).   sous la pluie de notre ville (charlie). EmptyMer 11 Nov - 18:08

Il la dévisage, à travers l'objectif de son vieux Leica. Une antiquité, un caprice de gosse de riches qui n'aime pas le clinquant et l'ostentatoire mais qui dépense une fortune pour un foutu appareil des années cinquante réputé incassable car allemand. C'est ainsi que Charlie aime les photographies : quand elles puent l'argentique à plein nez, quand on ne peut pas les visualiser, effacer les ratés et recommencer. Quand elles sont authentiques une fois développées, qu'elles capturent l'instant qu'il soit sublimé ou juste un grand flou, un grand rien. Celles-ci ne rendront jamais ce que l'acuité de ses yeux perçants cherchent à capturer. La beauté glacée, la défiance imperturbables de prunelles faussement indifférence, ce menton dressé comme un majeur au visage du monde et tout ce masque de petite poule de luxe qui fond lentement sous la lune. Ksenia ne rendra rien et au fond de lui, Charlie le sait. C'est qu'une illusion, ce moment n'est qu'une illusion que son esprit a décidé de créer dans un sursaut d'instinct de préservation, dans une volonté éphémère de nager à contre-courant, de remonter à la surface au lieu de couler dans les abysses, toujours plus loin. Alors qu'il vole des petits éclats d'elle, il se demande comment les autres font pour acheter ce qu'elle leur vend sans sourciller, comment ils font pour croire à sa caricature de bourgeoise alors que tout en elle, sur elle, porte les marques de la rue, sent l'asphalte et les mauvaises décisions, le parfum effronté des belles de nuit, des filles de rien. C'est peut-être son regard à lui qui est biaisé, qui la contemple avec une dévotion nouvelle et l'imagine comme il a besoin de la visualiser, avec une saveur nouvelle. Celle de la nostalgie, mais pas la douloureuse, seulement l'autre qui vient le frôler parfois et lui murmurer que ce n'est pas si compliqué de se retrouver, qu'il suffit d'arrêter de courir et puis de se fuir, qu'il faut cesser les bars, les drogues et la violence. Qu'il faut accepter d'abord, et oublier ensuite. Abandonner tout ce qui consume et moisit et se retrouver un peu. La plupart du temps, cette sensation ne s'immisce jamais bien loin, elle a la naïveté agaçante des fins heureuses et des jolies histoires impossibles et Charlie la chasse comme on se débarrasse d'un nuisible, il l'assomme de whisky tord-boyaux, de mauvaise vodka et de drogues coupées à la merde. Il la fait taire en écrasant sa bouche sur d'autres lèvres, son poing sur un visage et en cassant des gueules ou en sautant des grands vides entre les reins, c'est l'espoir qu'il démolit, qu'il baise. Et au milieu de cette éternelle agonie, y a des moments. Des moments qu'on l'air de rien, anodins et désespérément éphémères pendant lesquels ce sale espoir parvient à résonner jusque sous sa peau, dans ses os. Il se dit que tout est possible, qu'il est seul à se mettre en travers de sa route et Charlie y croit, un peu. Et l'ironie du sort c'est que ce soir, ça monte en lui alors même qu'il a sur ses cuisses la seule fille de cette foutue ville à être encore plus absente que lui, plus morte et aride à l'intérieur. Le constat pourrait le faire marrer, si son ironie acide n'était pas muselée par autre chose de plus fort, une connerie de poésie sur ses traits, la même qu'il voyait partout avant. Charlie balance qu'il la préfère comme ça, sans expliquer ce que c'est que le comme ça qui est limpide à ses yeux. Ksenia n'a pas l'air de le suivre et il s'en moque. Il s'en moque et elle s'en accommode tout aussi bien parce qu'il entend l'indifférence dans sa question. Toutes les questions qu'elle pose n'en sont jamais vraiment. Elle prétend, Ksenia, elle singe les codes au minimum mais sans efforts grandiloquents tant et si bien qu'elle a toujours l'air de vous envoyer vous faire foutre, en silence, sans grands éboulements. Même ses sourires sont creux, ils suggèrent de jolies choses mais ils disent merde, ils affirment en filigrane qu'ils s'en foutent et ce double discours ne lui échappe pas. Même quand elle s'abandonne, même quand les hommes pensent qu'elle se donne, Ksenia ne donne rien. Elle est là mais elle est absente à la fois, elle est ailleurs, elle répète des gestes mécaniques parce qu'il le faut, parce qu'elle le doit, parce que c'est normal mais elle ne les vit pas, jamais. Un peu comme lui, maintenant. Quand leurs corps s'esquintent, Charlie se demande souvent si Ksenia a été flinguée par la vie, comme lui, ou si elle a toujours été comme ça, sans flamme et sans grandeur, actrice en représentation perpétuelle sans comprendre réellement quel rôle elle est censée jouer. Dans l'attente, elle joue c'est tout. Et c'est fascinant, parce que c'est dans le néant qu'elle brille le plus fort, qu'elle fascine, qu'elle hypnotise par ce ballet du vide. Ksenia s'anime, sous son regard électrique. Ses cheveux glissent derrière son épaule au rythme de sa bretelle qui coule le long de sa peau et qui dévoile l'ombre évanescente de sa poitrine. Charlie sourit, comme un con, d'une esquisse canaille devant le monde qui se plie aux habitudes de la slave, même sa robe dépose les armes sans qu'aucune bataille ne soit perdue, déjà résignée. De la pulpe de ses doigts, il glisse le long de sa peau satinée jusqu'à atteindre sa bretelle et suivre son cheminement jusqu'à sa place initiale, sous les mots de Ksenia. Figée et tienne, quelle idée. Charlie relève ses iris enflammés sur son visage glacial, si proche et lointain à la fois et fait tomber la sentence de son timbre pour une fois tranquille, serein, apaisé. « Tu n'es pas mienne. » souligne-t-il l'évidence en brisant le maigre contact de ses doigts effleurant sa peau.  « Tu n'es à personne, pas même à toi. » Il dit ça sans brusquerie ou volonté de blesser, c'est balancé comme un constat et finalement ça en est un. Ksenia n'est à personne et Charlie doute qu'elle s'appartienne encore. Elle s'est trop donnée aux quatre vents, trop oubliée sous des coups de reins inconséquents, les siens comme ceux des autres, elle s'est trop glissée dans un carcan qui n'est pas le sien, dans une vie si loin de ses standards. Si Charlie est convaincu d'une seule chose, c'est de celle-ci : Ksenia est en éternelle location d'elle-même, c'est une chambre d'hôtel faussement luxueuse et confortable mais à la fin, on lui préfère toujours sa maison moins impersonnelle, même si elle n'est pas aussi belle. Ce soir pourtant, il croit sincèrement qu'il pourrait y vivre, dans cette pièce qui n'a rien d'authentique, qui vend de la poudre aux yeux et le fait bien. Un peu comme lui.  « Je te préfère parce que tu ressembles moins à elle et un peu plus à toi, celle que je devine parfois. » Il la devine en filigrane, dans un flash qui ne dure qu'un millième de secondes, elle se dévoile parfois dans un silence ou un mot qui met plus longtemps à dévaler le pulpeux de ses lèvres. Les mains de Ksenia s'échouent contre ses jambes et les siennes en font de même. Elles caressent distraitement ses genoux tout en os et pointes et remontent lentement le long de ses cuisses pour s'aventurer vers la peau fine de l'intérieur, à la douceur pivoine.  « Dis-moi quelque chose de vrai, pour changer. » Il demande, il réclame, Charlie ne sait pas vraiment parce que tout ce qui s'écoule de ses lèvres ressemble à un ordre. Un ordre soufflé, un ordre à la voix profonde et langoureuse mais un ordre quand même, celui de l'enfant roi, du petit prince, du riche qui n'a jamais su oublier le policé de ses paroles même s'il prétend le contraire. Il a encore des airs de roi, de roi des cons mais quand même, malgré ses mots vulgaires et sa gueule souvent cassée, il a toujours cette prestance inaltérable, ses gestes élégants et feutrés, gracieux même dans les coups, c'est le propre des puissants et de leur éducation. Même tombés dans la boue, dans la merde jusqu'au cou, on ne peut jamais oublier d'où ils viennent, d'en haut, très haut. Ses doigts continuent de pianoter sur sa peau chercher davantage, languides, et il croit bien qu'est en train de naître en lui une flamme nouvelle. Sans doute destinée à mourir à peine née mais elle est là, vacillante, gonflant en lui. Il a envie d'elle. Et Charlie réalise qu'avant cet exact instant, il n'a jamais eu envie d'elle. Jamais eu vraiment envie d'elle. Ils ont baisé, bien sûr, par habitude, presque par obligation parce que c'est ce que font les gens comme eux, ils se trouvent et s'écorchent, se cognent et s'esquintent, se retrouvent d'une façon ardente et un peu sale aussi. Ils ne font pas l'amour, ils se font presque la guerre, s'accusant de tous leurs maux sans user de mots, cherchant un remède, un salut, un oubli ou juste un poison à travers l'autre. Et là, Charlie a soif d'elle. Il a sans doute plus soif d'elle que de son corps, de Ksenia et de confessions voilées, de ses mots, d'un truc vrai et authentique même si c'est le seul qu'il n'aura jamais d'elle. Ils parlent parfois. Pas beaucoup mais ça leur arrive et il se raconte, il se raconte sans pudeur et sans enluminures, il raconte sa vérité parce qu'il sait qu'elle s'en moque, que ça ne changera rien, qu'elle n'essayera jamais de l'élever, d'éprouver cette compassion qui le débecte. Alors Ksenia sait des petits rien, pas grand chose, mais Charlie ignore presque tout parce qu'elle se prête assez peu à ce jeu. Alors ils le font rarement, parce qu'il n'est pas du genre à donner sans rien recevoir, il est de son genre à elle, ceux qui prennent, prennent et prennent jusqu'à vider les autres de toute leur substance, sans même se rendre compte de leur nocivité. Et comme pour illustrer ses dires, cette envie d'apprendre quelque chose de moins illusoire que le reste, ses doigts abandonnent ses cuisses. Du bout de ses mains, comme un pianiste, il remonte pour caresser sa nuque gracile à la pâleur fantomatique. Lentement, pour y imprimer son empreinte, un frisson, peu importe. Et finalement Charlie cueille le bijou onéreux qui orne son cou de cygne. Ses doigts se referment et tire un grand coup, sans délicatesse, sans la quitter de son regard tempête. Le collier se brise et les dizaines de perles qui le composaient jusqu'alors tombent sur le banc, sur le sol, dans un bruit de carillon, dans une pluie qui n'a rien des trombes d'eau déprimantes.
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