Poséidon fait un dernier signe de la main à Ondine. Il supporte de moins en moins de la voir comme ça. Seule, isolée, prisonnière. Une situation qui lui brise le cœur et qui l'empêche de vivre. Le mage garde en tête ce visage aqueux, transparent, à travers lequel ses doigts passent et repassent, sans aucune consistance pour les parer. Redressant sur ses épaules son long vêtement sombre, l'homme prend la direction du palais. Il travaille depuis quelques temps au service du prince, a peu à peu gagné sa confiance ; et si ce n'est son entière confiance à lui, il a acquis celle des autres gardes. Poséidon a toutes les cartes en main. Il garde à l'esprit cette envie de vengeance, ce besoin de revanche sur la vie, sur ceux qui l'ont trahi, comme Andrea, et il s'assure que son visage perde au fil de sa route les marques de son chagrin. Son cœur palpite un peu moins alors qu'il s'éloigne d'Elle, mais il est obligé de poursuivre. Ondine lui pardonnera. Elle comprendra qu'il fait tout ça pour elle, bien que pour le moment il est impossible pour lui de tout lui expliquer. Elle saura lorsqu'enfin il aura réussi. Poséidon ne veut pas lui prouver une fois de plus sa faiblesse, celle-là même qui l'a empêchée de recouvrer forme humaine. Le mage n'a pas été assez puissant ; et plus il tente d'apporter son aide à la jeune femme, plus il échoue. Défaites après défaites, l'esprit de Poséidon commence à éprouver une lassitude douloureuse, qui ronge chaque parcelle de sa « bonne » volonté. Dorénavant, l'homme avance avec une vision différente des choses : s'il veut obtenir ce qu'il désire, il doit mettre toutes les chances de son côté. Et cette chance de faire renaître Ondine, de la faire revenir à lui, Poséidon pense l'avoir trouvée en la personne d'Ariel, princesse de Moonbeach aux côtés de son époux. Au détour des ruelles d'un village proche, le mage a en effet entendu dire qu'avant de devenir humaine, de marcher sur deux jambes et de savourer une vie luxueuse auprès de Terence, cette dernière n'était autre qu'une sirène. Un être capable de survivre sous la surface de l'eau, une créature enchanteresse qui fait rêver le malheureux Poséidon depuis de nombreuses semaines maintenant. Son dessein premier était de contraindre la princesse à tout lui avouer : comment a-t-elle fait pour devenir humaine ? Qui l'a aidée ? Peut-être le rester tout le temps ? Peut-elle l'aider à devenir l'inverse ? Un homme sirène ? Ou a-t-elle la capacité de l'accompagner et d'aider Ondine ? Poséidon s'imagine qu'Ariel a un quelconque pouvoir lui permettant de perdurer parmi les hommes. Elle possède des connaissances qui lui manquent, un secret que le mage s'est mis en tête de percer à jour. Toutefois, Poséidon s'est rendu compte que la jeune femme allait être difficile à approcher. Alors, il a d'abord dû démontrer ses aptitudes physiques, tout comme les autres prétendants désireux de faire partie de la garde royale ; ensuite, il est entré dans les rangs des gardes les plus éloignés de la famille princière, avant de gravir les échelons, car prenant toujours soin de prouver son dévouement au bon moment ; puis, il a été placé dans la garde rapprochée de la famille. A la suite de quelques jours à suivre les moindres faits et gestes de Terence, Poséidon est reparti avec une seule idée en tête : le lendemain, il irait à la rencontre de la princesse Ariel. Il forcerait le destin et engagerait une première conversation, il se montrerait avenant et serviable, assez pour qu'elle daigne commencer à lui accorder un brin de confiance. Et ce fameux « lendemain », c'est aujourd'hui. Franchissant les immenses portes du palais, le mage sait quelle route suivre. Il a repéré la chambre partagée par le prince et la princesse dès sa première journée passée proche du maître des lieux, et il n'a eu de cesse de se remémorer comment s'y rendre. Ce sont des choses qu'il ne peut se permettre d'oublier. Une fois le nombre suffisant de marches gravies, ainsi que les nombreux étages passés, Poséidon arrive enfin aux prémices du bon étage. Il jette un coup d'oeil circulaire autour de lui, ajuste une nouvelle fois la cape noire qui encombre ses épaules dans un geste nerveux, puis s'avance d'un pas décidé. Il peut paraître impressionnant, avec sa carrure imposante et ses habits aux couleurs ternes, mais il est prêt à tout faire pour ne pas effrayer la princesse. Arrivé devant la bonne porte, le mage frappe un grand coup contre cette dernière (histoire d'être bien entendu). Sans attendre, il se permet de pénétrer dans la chambre et son regard rencontre celui de la ravissante Ariel. Poséidon prend le temps de refermer la porte derrière lui. Lorsqu'il se retourne, il s'autorise une brève révérence. « Bonjour princesse », qu'il débute d'un ton courtois, à la hauteur du rang et du respect qu'il se doit d'avoir en toute circonstance pour elle. « Je suis le nouveau garde chargé de votre protection. J’étais auparavant au service de votre époux. » Un sourire maîtrisé accompagne ses explications : ni trop bienveillant, ou familier, plutôt à l'image de l'homme raisonnable et sage qu'il veut donner en guise de première impression. « Loin de moi était l'idée de vous faire peur... »